La symbolique
Permanence des quêtes fondamentales
Sommaire
Les dieux
Le texte emploie des termes médicaux précis pour les désignations de la matrice, la position et les actions du Prince associés à des déterminatifs anatomiques clairs. Le processus d’accouchement très détaillé est décrit de façon chronologique. Nous sommes pourtant dans un contexte religieux, dans lequel les dieux jouent un rôle important. Ils sont les acteurs du texte, les moteurs de la pyramide, les garants de la réussite de l’accouchement.
Nout
Déesse du Sycomore, elle est la Voûte céleste étoilée. Sous l’aspect d’une femme dont les pieds sont à l’Orient et les bras au Couchant, elle avale Ré chaque soir et le met au monde le matin.
Elle est aussi la matrice et confère son immortalité au Pharaon.
Seth et les contractions
Seth, l’un des dieux égyptiens les plus anciens, est vraisemblablement un Oryctérope. Ce mammifère d’Afrique ébranle le sol en « creusant la terre » lorsqu’il construit sa galerie sur les berges du fleuve, c’est pourquoi il est assimilé au moteur utérin et représente la force des contractions qui propulsent Ounas.
Son nom signifie « cracher ». Sa bave est déclenchée par Orion, qui annonce la crue du Nil. Or sur le plan obstétrique, la « venue des eaux » signifie que le liquide amniotique s’écoule hors de la poche des eaux rompue annonçant l’imminence de l’accouchement.
Osiris
Le démembrement du dieu et son remembrement par Isis font d’Osiris le proto mort. Le Prince est identifié à Osiris dès qu’il est momifié et inhumé dans son sarcophage.
Le Pharaon est identifié à Osiris dès qu’il est momifié et inhumé dans son sarcophage. Sa gangue de bandelettes correspond alors au manteau d’Osiris et au sac amniotique.
Osiris est le Nil, élément nourricier principal de l’Égypte. C’est pourquoi le moyen de déplacement privilégié du Prince est la barque, le Nil étant la voie de transport la plus usuelle dans un pays inondé par le fleuve en crue pendant un tiers de l’année.
Le manteau qui le gaine figure les bandelettes de la momie. La matrice contient les sérosités d’Osiris équivalents de l’humeur aqueuse de l’œil d’Horus, comme le montre le texte du P. Ebers 385 (60, 17-19) :
Osiris sous sa forme céleste est Orion qui annonce la venue de Sothis dont le lever héliaque marque l’arrivée de la crue. Ounas sort à la suite d’Orion et de Sothis, sur la déferlante du liquide amniotique assimilé à la crue du Nil.
Horus, le Faucon
Littéralement “le plus haut” est l’un des rapaces qui s’élève le plus haut dans le ciel. Horus est choisi pour ses qualités de vol et les caractéristiques de son œil perçant doté de son grand champ visuel.
Sa descente en position repliée aérodynamique rappelle celle du fœtus « amoindri », replié sur lui-même. Les principes de fauconnerie sont omniprésents dans les Textes des Pyramides. Même les lacs qui retiennent le rapace au poing du fauconnier se retrouvent dans la main de la sage-femme*.
Horus protège Ounas, il « amoindrit la présentation » prépare l’espace d’envol, engage le Prince au col et l’adapte à son chenal de sortie.
Isis et Nephtys, les accoucheuses
Elles sont les deux « prédatrices » à la pointe de l’aile de Thot qui maintiennent le Prince dans leurs serres lors du passage du col. Elles protègent la momie royale lors de son voyage en barque, scrutent l’état du fœtus au début de la dilatation du col et le mettent en présentation occipitale.
Le Prince défait ses liens qui sont les lacs de Nephtys, comme la momie déroule ses bandelettes et le fœtus ses membranes.
Anubis
Dieu représenté par un Lycaon Pictus ou un chacal. Dans les nécropoles, les bandes de chacals déterrent les corps, ce qui fera très tôt de ce canidé le grand dieu funéraire, l’embaumeur et le guide des défunts.
Anubis porte son lac autour du cou, tombe de Toutânkhamon
Accoucheur, il porte un lac autour du cou et intervient à tous les temps de la mise au monde.
Il assurera même la délivrance qui se concrétise par le déversement du sac amniotique et de son contenu.
Il est aussi l’embaumeur puisqu’il conserve et renferme le Prince dans son « intérieur », son khat. Il enveloppe la momie de sa gangue de bandelettes et le fœtus de son sac amniotique. L’embaumeur et la matrice ne font qu’un.
Naissance et renaissance
On observe une permanence de l’idée de renaissance depuis les palettes préhistoriques
Le cylindre d’ivoire d’Hiérakonpolis porte sur le registre supérieur droit quatre étendards qui associent les deux Horus précédés du chacal Oup-Ouaout*, « l’ouvreur des chemins » et d’une grosse poche, de forme ovoïde, de laquelle pend un cordon.
La palette de Narmer : les emblèmes du second registre
Le recto de la « Palette de Narmer » montre au deuxième registre le roi porteur de la couronne rouge précédé de quatre emblèmes similaires.
Le dernier emblème en forme de poche ovalaire de laquelle pend un cordon, pourrait être un placenta encore relié à son cordon ombilical. En Égypte, le placenta royal fréquemment assimilé au double du roi, a fait l’objet d’un culte funéraire dès l’époque préhistorique. Il assure la permanence de l’alimentation fœtale, durant la renaissance du Pharaon.
L’étendard qui précède le placenta est Oup-Ouaout, le dieu qui dilate le col, précédé du Shed-shed, protubérance évocatrice de la poche des eaux.
Dans l’iconographie des grandes cérémonies, dont la plus célèbre est la Fête Sed ou renouvellement du pouvoir royal, ces enseignes précédaient toujours le Pharaon. Toutes avaient la même finalité, régénérer la puissance royale, en redonnant au roi jeunesse et force.
L’accouchement, la pyramide machine
La renaissance du roi prend la forme d’un accouchement qui aboutit à l’expulsion d’un corps mobile qu’est le prince en position fœtale.
Le mobile : le Prince en position fœtale
Dans la chambre, l’accouchement va commencer, le Prince est « en présentation », tête première, dos à gauche ce qui évoque la position du fœtus dans le ventre de sa mère au début de l’accouchement.
L’avancée du Pharaon
Les stances de la paroi Ouest de la chambre sont dites « stances des serpents ». Le texte décrit la rencontre entre deux serpents : le serpent-Prince face au serpent-Ré.
Ounas-serpent rampant est soumis aux contractions
Les contractions, appelées « porteurs du Prince » ou « mouvement rythmique* », propulsent le Prince vers l’avant, « temps par temps », selon les temps de la matrice et les phases de poussée de la mère.
Elles compriment les flancs du bébé et sont présentes sur la plupart des parois de la pyramide.
Une parfaite mise en scène
Ounas qui est replié en présentation occipitale à l’arrière du col encore verrouillé. La seconde naissance du Prince est toujours intégrée à d’autres thèmes en parallèle, que sont le renouvellement du pouvoir royal, la quête d’éternité, etc…
Le fœtus se recroqueville sur lui-même aidé par Isis et Nephtys, et replie sa tête pour se mettre en présentation occipitale.
Il est comparé à un nain « à la forme tordue » à cause de sa position fœtale.
Ounas « fait sa culbute » et se met tête en bas et fesses en l’air, à l’arrière des verrous principaux
Il est tête en bas grâce à « l’inversion de ses deux pôles ». Il se trouve recroquevillé sur lui-même, fesses en l’air, « en présentation, tête première ». La comparaison avec les rites funéraires n’offre pas d’explication à cette inversion du Prince, en dehors d’une plongée probable dans les ténèbres.
L’ouverture du col est cotée en « doigts d’Horus », le petit et le grand
L’œil d’Horus écarte le col et dispose le Prince dans son aire d’envol.
Les sage-femmes cotent encore en « un doigt, deux doigts » et « petite paume, grande paume » dans les maternités. Ce vocabulaire est toujours d’actualité.
La poche des eaux issue d’Anubis peut alors s’infiltrer au col. La poche des eaux précède la tête du Prince au col.
Thot et Horus déclenchent puis engagent
L’accouchement est déclenché, à la fois par Thot qui perfore la poche des eaux de son bec où à l’aide de ses premières rémiges et Horus qui peut déclencher la « venue des eaux » à travers le museau de Seth.
L’ibis fait traverser le col au Pharaon en le maintenant à la pointe de son aile. Il extrait Ounas tel l’Ibis qui pêche sur la berge du Nil et qui le happe.
Ounas est encore enfermé dans ses membranes au moment de la rupture de la poche des eaux, le « bouillonnement énorme ».
Perforation de la poche des eaux et entrée en scène des sage-femmes
Dans un accouchement humain, la membrane amniotique cède soit spontanément sous la poussée du liquide amniotique et des contractions, soit par déclenchement, éraflure par l’ongle de la sage-femme (Nephtys) ou pointe d’un instrument d’où l’image de Thot qui perce la poche de la pointe de son aile, son « premier couteau ».
Les références aux aides à la naissance sont très nombreuses dans les Textes des Pyramides, illustrées par des déterminatifs qui montrent les instruments utilisés.
Arrivée de la mafedet
Déesse représentée par la mangouste ou la genette, la mafedet, « celle qui saisit » est la prédatrice des oisillons au nid qui figure dans l’iconographie des mastabas à l’Ancien Empire. Elle agrippe ses proies au niveau de la nuque. Dans les textes de la galerie ascendante, elle attrape le nouveau-né qui sort en présentant sa nuque en premier.
Venue de la neferet, la « bienveillante », « la bénéfique » munie de ses lacs d’accoucheuse
L’accoucheuse peut intervenir avec ses mains, ou s’aider de liens qui servent à fixer les membres du bébé ou d’instruments dont nous avons les dessins !
Les lacs de l’accoucheur sont aussi autour du cou d’Anubis (cf. supra). L’écriture égyptienne grâce à ses déterminatifs nous en a transmis le dessin identique à celui qui est au cou du Lycaon !
Les lacs de la sage-femme « celle qui attend Ounas à l’occident »
Le Prince défait ses liens qui sont les lacs de la sage-femme ou d’Anubis, comme la momie déroule ses bandelettes et le fœtus ses membranes. L’une des accoucheuses, la « neferet », « la parfaite », porte des lacs qui servent à « faire la version » du bébé.
Elle utilise les instruments indispensables en cas de dystocie
Dans l’exemple de la colonne 229, que nous avons déjà étudié, le premier déterminatif qui suit directement la « nourricière » a attiré notre attention. Un profil féminin tient dans sa main un objet que l’on peut interpréter comme étant deux bâtons croisés.
De même les « écarteurs » et les « leviers » sont utilisés pour dilater le col « implantés dans le chenal d’Osiris »
L’éternité
Annuler les effets du temps
Faire survivre l’esprit, tel est le but de cette seconde naissance. Dans les Textes des Pyramides, de nombreux chapitres se terminent par l’affirmation de l’éternité pour le Pharaon afin d’affirmer la permanence de la royauté.
La sortie à la suite de Ré
LePharaon émerge au col, sa calotte crânienne irradiée par Ré, orienté selon l’axe de sortie vers le Nord.
Lors d’un accouchement, la tête du nouveau-né parcourt le périnée d’Est en Ouest. Le front, initialement orienté à l’Est vient se positionner vers l’Ouest après le passage du détroit supérieur, selon une rotation antihoraire. Or le soleil effectue un parcours identique durant le jour, c’est pourquoi il est considéré comme le guide du Prince lors de sa renaissance.Ounas sort au col et fait sa rotation d’Est en Ouest, à la suite de Ré.
L’envol du Prince vers le cadre céleste sur l’échelle et la fumerole d’encens
L’étoile Polaire…
L’étoile Polaire est le « clou du ciel », « celle qui ne disparaît jamais ». Elle est présente en permanence dans le ciel de l’hémisphère Nord, entourée des circumpolaires nommées « les impérissables ».
Deux mille trois cents ans avant notre ère, à l’époque de l’Ancien Empire, l’étoile Polaire est l’alpha du dragon du fait de la précession des équinoxes. S’inclure parmi les « impérissables » signifie acquérir l’immortalité.